* Mécanisme d'action
Le ruxolitinib est un inhibiteur sélectif des Janus kinases (JAK) JAK1 et JAK2 (valeurs CI50 de 3,3 nM et 2,8 nM pour les enzymes JAK1 et JAK2 respectivement). Ces enzymes sont impliquées dans la signalisation de différents facteurs de croissance et cytokines importants dans l'hématopoïèse et la fonction immunitaire.
La myélofibrose (MF) est une néoplasie myéloproliférative connue pour être associée à une dérégulation de la signalisation JAK1 et JAK2. Il semble que la base de cette dérégulation inclut des taux élevés de cytokines circulantes qui activent la voie JAK/STAT, des mutations activatrices telles que JAK2-V617F et l'inactivation de mécanismes régulateurs négatifs. Une dérégulation de la signalisation JAK est observée chez les patients atteints de myélofibrose, quel que soit le statut mutationnel JAK2-V617F.
Le ruxolitinib inhibe la signalisation JAK/STAT et la prolifération cellulaire de modèles de cellules d'hémopathies malignes dépendantes des cytokines, ainsi que des cellules Ba/F3 rendues indépendantes des cytokines en exprimant la protéine mutée JAK2V617F, avec des CI50 de 80 à 320 nM.
* Effets pharmacodynamiques
Chez des volontaires sains et des patients atteints de myélofibrose, le ruxolitinib inhibe la phosphorylation de STAT3 induite par la cytokine dans le sang total. Chez des volontaires sains et des patients atteints de myélofibrose, l'inhibition de la phosphorylation de STAT3 par le ruxolitinib a été maximale 2 heures après l'administration et elle est revenue à des valeurs proches des valeurs initiales en 8 heures, ce qui indique l'absence d'accumulation de la molécule mère ou des métabolites actifs.
Chez les patients atteints de myélofibrose, les élévations initiales des marqueurs inflammatoires associés aux symptômes constitutionnels tels que le TNFa, l'IL-6 et la CRP ont régressé après le traitement par le ruxolitinib. Les patients ne sont pas devenus réfractaires aux effets pharmacodynamiques du ruxolitinib au cours du temps.
Une étude approfondie de l'intervalle QT chez des volontaires sains, n'a pas montré de signes d'un effet sur l'allongement du QT/QTc par le ruxolitinib après administration de doses uniques allant jusqu'à la dose suprathérapeutique de 200 mg, ce qui indique que le ruxolitinib n'a pas d'effet sur la repolarisation cardiaque.
* Efficacité et sécurité clinique
Deux études de phase III randomisées (COMFORT-I et COMFORT-II) ont été menées chez des patients atteints de myélofibrose (myélofibrose primitive, myélofibrose secondaire à une maladie de Vaquez ou myélofibrose secondaire à une thrombocythémie essentielle). Dans les deux études, les patients présentaient une splénomégalie palpable de plus de 5 cm en dessous du rebord costal et une classification pronostique de risque intermédiaire-2 (2 facteurs pronostiques) ou élevé (> ou = 3 facteurs pronostiques) selon les critères de consensus de l'International Working Group (IWG). La dose initiale de ruxolitinib était basée sur la numération plaquettaire. COMFORT-I était une étude randomisée en double aveugle, contrôlée versus placebo, menée chez 309 patients qui étaient réfractaires ou non candidats au traitement standard. Les patients ont reçu le ruxolitinib ou un placebo. Le critère d'efficacité principal était le pourcentage de patients obtenant à la semaine 24 une réduction > ou = 35 % du volume de la rate, mesuré par IRM ou TDM, par rapport au début de l'étude.
Les critères secondaires étaient la durée du maintien d'une réduction > ou = 35 % du volume de la rate par rapport au début de l'étude, le pourcentage de patients présentant une réduction > ou = 50 % du score total de symptômes à la semaine 24 par rapport au score initial, évalué à l'aide du carnet patient Myelofibrosis Symptom Assessment Form (MFSAF) v2.0 modifié, une modification du score total de symptômes à la semaine 24 par rapport au score initial, évalué à l'aide du carnet patient MFSAF v2.0 modifié et la survie globale.
COMFORT-II était une étude randomisée en ouvert menée chez 219 patients. Les patients ont été randomisés selon un rapport 2/1 pour recevoir le ruxolitinib ou le meilleur traitement disponible (BAT - Best available therapy). Le meilleur traitement disponible était choisi par l'investigateur individuellement pour chaque patient. Dans le groupe BAT, 47 % des patients ont reçu l'hydroxyurée et 16 % des corticoïdes. Le critère principal d'évaluation de l'efficacité était le pourcentage de patients obtenant à la semaine 48 une réduction > ou = 35 % du volume de la rate, mesuré par IRM ou TDM, par rapport au début de l'étude.
Un critère secondaire de l'étude COMFORT-II était le pourcentage de patients obtenant une réduction > ou = 35 % du volume de la rate mesuré par IRM ou TDM à la semaine 24 par rapport au début de l'étude. La durée du maintien d'une réduction > ou = 35 % par rapport aux valeurs initiales, la survie globale, la survie sans progression et la survie sans leucémie était également des critères secondaires.
Dans les études COMFORT-I et COMFORT-II, les caractéristiques démographiques et pathologiques initiales des patients étaient comparables entre les groupes de traitement.
Pourcentage de patients ayant obtenu une réduction > ou = 35 % du volume de la rate par rapport au début de l'étude à la semaine 24 dans l'étude COMFORT-I et à la semaine 48 dans l'étude COMFORT-II
-> COMFORT-I
- Ruxolitinib (N = 155)
. Temps d'évaluation : Semaine 24
. Nombre (%) de patients présentant une réduction > ou = 35 % du volume de la rate : 65 (41,9)
. Intervalles de confiance à 95 % : 34,1 , 50,1
. Valeur P : < 0,0001
- Placebo (N = 153)
. Temps d'évaluation : Semaine 24
. Nombre (%) de patients présentant une réduction > ou = 35 % du volume de la rate : 1 (0,7)
. Intervalles de confiance à 95 % :0 , 3,6
. Valeur P : < 0,0001
-> COMFORT-II
- Ruxolitinib (N = 144)
. Temps d'évaluation : Semaine 48
. Nombre (%) de patients présentant une réduction > ou = 35 % du volume de la rate : 41 (28,5)
. Intervalles de confiance à 95 % : 21,3 , 36,6
. Valeur P : < 0,0001
- Meilleur traitement disponible (N = 72)
. Temps d'évaluation : Semaine 48
. Nombre (%) de patients présentant une réduction > ou = 35 % du volume de la rate : 0
. Intervalles de confiance à 95 % :0,0 , 5,0
. Valeur P : < 0,0001
Un pourcentage significativement plus élevé de patients du groupe ruxolitinib a obtenu une réduction > ou = 35 % du volume de la rate par rapport au début de l'étude, quel que soit le statut mutationnel JAKV617F ou le sous-type de la maladie (myélofibrose primitive, myélofibrose secondaire à une maladie de Vaquez, myélofibrose secondaire à une thrombocythémie essentielle).
- Statut mutationnel JAKV617F :
Dans les études COMFORT-I et COMFORT-II, les taux de réponse des patients JAKV617F négatifs étaient inférieurs à ceux des patients JAKV617F positifs.
Chez les 80 patients de l'étude COMFORT-I et les 69 patients de l'étude COMFORT-II qui ont présenté une réduction > ou = 35 % à l'un des temps d'évaluation, la probabilité de maintien d'une réponse avec le ruxolitinib pendant au moins 24 semaines a été respectivement de 89 % et 87 %, tandis que la probabilité de maintien d'une réponse pendant au moins 48 semaines a été de 52 % dans l'étude COMFORT-II.
Le ruxolitinib améliore les symptômes de la myélofibrose et la qualité de vie chez des patients présentant une myélofibrose primitive, une myélofibrose secondaire à une maladie de Vaquez et une myélofibrose secondaire à une thrombocythémie essentielle. Dans l'étude COMFORT-I, les symptômes de la myélofibrose ont été enregistrés à l'aide du carnet patient MFSAF v2.0 modifié, qui était un carnet électronique que les patients remplissaient chaque jour. La variation du score total à la semaine 24 par rapport au score initial était un critère d'évaluation secondaire dans cette étude. Le pourcentage de patients ayant obtenu une amélioration > ou = 50 % du score total de symptômes à la semaine 24 par rapport au début de l'étude a été significativement plus élevé dans le groupe ruxolitinib que dans le groupe placebo (45,9 % et 5,3 % respectivement, P < 0,0001 [test du Chi2]).
Une amélioration de la qualité de vie globale a été mesurée par le questionnaire EORTC QLQ-C30 dans les deux études COMFORT-I et COMFORT-II. Dans COMFORT-I, le ruxolitinib a été comparé au placebo à la semaine 24 et dans COMFORT-II, le ruxolitinib a été comparé au meilleur traitement disponible à la semaine 48. Lors de l'inclusion dans les deux études, les scores de chaque sous échelle du questionnaire EORTC QLQ-C30 étaient similaires pour les groupes ruxolitinib et traitement comparateur. A la semaine 24 dans COMFORT-I, le groupe ruxolitinib a présenté une amélioration significative du score Etat de santé général/qualité de vie du questionnaire EORTC QLQ-C30 par
rapport au groupe placebo (variation moyenne de respectivement +12,3 et -3,4 pour les groupes ruxolitinib et placebo, P < 0,0001).
Dans l'étude COMFORT-I, 13 patients sur 155 (8,4 %) sont décédés dans le groupe ruxolitinib et 24 patients sur 154 (15.6 %) dans le groupe placebo. Dans l'étude COMFORT-II, 11 patients sur 146 (7,5 %) sont décédés dans le groupe ruxolitinib et 4 patients sur 73 (5,5 %) dans le groupe meilleur traitement disponible.
Les données n'ont pas permis de mettre en évidence de différence significative sur la survie globale, la survie sans progression et la survie sans leucémie entre le bras ruxolitinib et les bras comparateurs.