Classe pharmacothérapeutique : Antimycobactériens, médicaments pour le traitement de la tuberculose, Code ATC : J04AK05
* Mécanisme d'action
La bédaquiline est une diarylquinoline. La bédaquiline inhibe spécifiquement l'ATP (adénosine 5'-triphosphate) synthase mycobactérienne, une enzyme essentielle à la production d'énergie chez Mycobacterium tuberculosis. L'inhibition de l'ATP synthase entraîne des effets bactéricides tant sur les bacilles tuberculeux en réplication que sur les bacilles dormants.
* Effets pharmacodynamiques
La bédaquiline présente une activité contre Mycobacterium tuberculosis avec une concentration minimale inhibitrice (CMI) comprise entre < ou = 0,008 et 0,12 microgramme/ml aussi bien pour les souches sensibles que pour les souches résistantes (souches multirésistantes comprenant les souches pré-ultrarésistantes et les souches ultrarésistantes). Le métabolite N-monodesméthyl (M2) n'est pas considéré comme contribuant significativement à l'efficacité clinique, étant donné ses plus faibles expositions moyennes chez l'Homme (23 % à 31 %) et activité anti-mycobactérienne (3 à 6 fois plus faible) comparées à celles du composé mère.
L'activité bactéricide intracellulaire de la bédaquiline dans les macrophages péritonéaux primaires et dans une lignée cellulaire du type macrophages était supérieure à son activité extracellulaire. La bédaquiline a également une activité bactéricide sur les bacilles tuberculeux dormants (non en réplication). Dans le modèle murin de l'infection TB, la bédaquiline a démontré des activités bactéricides et stérilisantes.
La bédaquiline est bactériostatique pour de nombreuses espèces mycobactériennes non tuberculeuses. Mycobacterium xenopi, Mycobacterium novocastrense, Mycobacterium shimoidei et les espèces non mycobactériennes sont considérées comme intrinsèquement résistantes à la bédaquiline.
* Relation pharmacocinétique/pharmacodynamique
Dans la gamme de concentrations obtenue avec la dose thérapeutique, aucune relation pharmacocinétique/pharmacodynamique n'a été observée chez les patients.
* Mécanismes de résistance
Les mécanismes de résistance acquise qui affectent les CMI de la bédaquiline incluent des mutations dans le gène atpE qui code pour la cible ATP synthase et dans le gène Rv0678 qui régule l'expression de la pompe d'efflux MmpS5-MmpL5. Des mutations du gène codant l'ATP synthase générées dans des études pré-cliniques conduisent à augmenter de 8 à 133 fois la CMI de la bédaquiline, faisant varier les CMI entre 0,25 et 4 mg/litre. Des mutations du gène codant la pompe d'efflux ont été observées dans des isolats pré-cliniques et cliniques. Ces mutations conduisent à augmenter de 2 à 8 fois les CMI de la bédaquiline, faisant varier les CMI de la bédaquiline entre 0,25 et 0,5 mg/litre. La majorité des isolats dont le phénotype est résistant à la bédaquiline présente une résistance croisée à la clofazimine.
Les isolats résistants à la clofazimine peuvent cependant être sensibles à la bédaquiline.
L'impact de CMI initiales élevées de la bédaquiline, de la présence de mutations dans le gène Rv0678 avant le traitement et/ou de l'augmentation des CMI de la bédaquiline après l'instauration du traitement sur les résultats microbiologiques n'est pas clair en raison de la faible incidence de tels cas au cours des essais de phase II.
* Concentrations critiques des tests de sensibilité
Les résultats des tests de sensibilité in vitro aux médicaments antimicrobiens à usage hospitalier doivent être fournis au médecin, dès que disponibles, par le laboratoire de microbiologie, sous la forme de rapports périodiques décrivant le profil de sensibilité des pathogènes nosocomiaux et d'origine communautaire. Ces rapports doivent aider le médecin à choisir une association de médicaments antibactériens pour le traitement.
* Concentrations critiques
Les valeurs seuils de la concentration minimale inhibitrice (CMI) sont les suivantes :
Seuil épidémiologique (ECOFF) : 0,25 mg/litre
Concentrations critiques cliniques S < ou = 0,25 mg/litre ; R > 0,25 mg/litre
S = sensible
R = résistant
Espèces habituellement sensibles
Mycobacterium tuberculosis
Espèces naturellement résistantes
Mycobacterium xenopi
Mycobacterium novocastrense
Mycobacterium shimoidei
Espèces non mycobactériennes
* Efficacité et sécurité cliniques
Les définitions suivantes s'appliquent pour les catégories de résistance utilisées :
Mycobacterium tuberculosis multirésistant (MDRH&R-TB) : isolat résistant à au moins l'isoniazide et la rifampicine, mais sensible aux fluoroquinolones et aux agents injectables de deuxième ligne.
Tuberculose pré-ultrarésistante (pré-XDR-TB) : isolat résistant à l'isoniazide, à la rifampicine et soit à une fluoroquinolone, soit à au moins un agent injectable de deuxième ligne (mais pas à la fois à une fluoroquinolone et à un agent injectable de deuxième ligne).
Tuberculose ultrarésistante (XDR-TB) : isolat résistant à l'isoniazide, à la rifampicine, à une fluoroquinolone et à au moins un agent injectable de deuxième ligne.
Un essai randomisé de phase IIb (C208), contrôlé versus placebo, en double-aveugle a évalué l'activité antibactérienne, la sécurité d'emploi et la tolérance de la bédaquiline chez des patients récemment diagnostiqués avec un frottis d'expectorations positif à MDRH&R-TB et pré-XDR-TB pulmonaire. Les patients ont reçu de la bédaquiline (n = 79) ou un placebo (n = 81) pendant 24 semaines, tous les deux en association avec un traitement de fond recommandé comportant une sélection de 5 médicaments incluant l'éthionamide, la kanamycine, la pyrazinamide, l'ofloxacine et la cyclosérine/térizidone. Après la période d'investigation, le traitement de fond a été poursuivi jusqu'à 18 à 24 mois de traitement total contre Mycobacterium tuberculosis multirésistant. Une évaluation finale a été conduite à la semaine 120. Les principales données démographiques étaient les suivantes : 63,1 % étaient des hommes, âge médian 34 ans, 35 % était d'origine ethnique noire et 15% étaient infectés par le VIH. Une caverne dans l'un des poumons a été observée chez 58 % des patients, et dans les deux poumons chez 16 %. Pour les patients ayant une caractérisation complète de l'état de résistance, 76 % (84/111) étaient infectés par une souche MDRH&R-TB et 24 % (27/111) par une souche pré-XDR-TB.
La bédaquiline a été administrée à raison de 400 mg une fois par jour pendant les 2 premières semaines, puis 200 mg trois fois/semaine pendant les 22 semaines suivantes.
Le critère principal d'efficacité était le délai de négativation des cultures d'expectorations (c'est-à-dire l'intervalle entre la première prise de bédaquiline et la première des deux cultures en milieu liquide négatives consécutives à partir d'expectorations prélevées à au moins 25 jours d'intervalle) pendant le traitement par bédaquiline ou par placebo : le délai médian de négativation était de 83 jours pour le groupe bédaquiline, de 125 jours pour le groupe placebo (risque relatif, IC à 95 % : 2,44 [1,57 ; 3,80], p < 0,0001).
Dans le groupe bédaquiline, aucune différence - ou seulement des différences mineures - du délai de négativation des cultures et des taux de négativation des cultures n'a été observée entre les patients atteints de pré-XDRTB et les patients atteints de MDRH&R-TB.
Les taux de réponse à la semaine 24 et la semaine 120 (soit environ 6 mois après l'arrêt de tous les traitements) sont présentés ci-dessous.
Statut de négativation des cultures
Statut de négativation des cultures, n (%)
Population mITT
Total répondeurs à la semaine 24
N ; bédaquiline/TF : 66 ; 52 (78,8 %)
N ; placebo/TF : 66 ; 38 (57,6 %)
Patients atteints de MDRH&R-TB
N ; bédaquiline/TF : 39 ; 32 (82,1 %)
N ; placebo/TF : 45 ; 28 (62,2 %)
Patients infectés par une souche pré-XDR-TB
N ; bédaquiline/TF : 15 ; 11 (73,3 %)
N ; placebo/TF : 12 ; 4 (33,3 %)
Total non-répondeurs (*) à la semaine 24
N ; bédaquiline/TF : 66 ; 14 (21,2 %)
N ; placebo/TF : 66 ; 28 (42,4 %)
Total répondeurs à la semaine 120
N ; bédaquiline/TF : 66 ; 41 (62,1 %)
N ; placebo/TF : 66 ; 29 (43,9 %)
Patients atteints de MDRH&R-TB
N ; bédaquiline/TF : 39 (***) ; 27 (69,2 %)
N ; placebo/TF : 46 (***) (****) ; 20 (43,5 %)
Patients infectés par une souche pré-XDR-TB
N ; bédaquiline/TF : 15 (***) ; 9 (60,0 %)
N ; placebo/TF : 12 (***) ; 5 (41,7%)
Total non-répondeurs (*) à la semaine 120
N ; bédaquiline/TF : 66 ; 25 (37,9 %)
N ; placebo/TF : 66 ; 37 (56,1 %)
Echec par absence de négativation
N ; bédaquiline/TF : 66 ; 8 (12,1 %)
N ; placebo/TF : 66 ; 15 (22,7 %)
Rechute (**)
N ; bédaquiline/TF : 66 ; 6 (9,1 %)
N ; placebo/TF : 66 ; 10 (15,2 %)
Arrêt mais négativation
N ; bédaquiline/TF : 66 ; 11 (16,7 %)
N ; placebo/TF : 66 ; 12 (18,2 %)
(*) Les patients décédés au cours de l'essai ou ayant interrompu l'essai sont considérés comme non-répondeurs.
(**) La rechute était définie dans l'essai par la présence d'une culture positive d'expectorations après ou pendant le traitement faisant suite à une négativation antérieure de cultures d'expectorations.
(***) Sur la base des résultats des tests de sensibilité au médicament du laboratoire central, le niveau de résistance n'a pas été disponible pour 20 sujets au sein de la population mITT (12 dans le groupe bédaquiline et 8 dans le groupe placebo). Ces sujets ont été exclus de l'analyse en sous-groupe relative au niveau de résistance de la souche M tuberculosis.
(****) Après l'analyse intermédiaire à la semaine 24, les résultats des tests de sensibilité au médicament du laboratoire central sont devenus disponibles pour un sujet supplémentaire du groupe placebo.
L'étude C209 a évalué la sécurité d'emploi, la tolérance, et l'efficacité de 24 semaines de traitement par bédaquiline en ouvert, au sein d'un traitement individualisé chez 233 patients adultes qui ont présenté un frottis d'expectorations positif dans les 6 mois précédant l'inclusion. Cette étude a inclu des patients avec les trois catégories de résistance (MDRH&R-TB, pré-XDR-TB et XDR-TB).
Le critère principal d'efficacité était le délai de négativation des cultures d'expectorations pendant le traitement par bédaquiline (médiane de 57 jours, pour 205 patients avec des données suffisantes). A la semaine 24, une négativation des cultures d'expectoration a été observée chez 163/205 (79,5 %) patients. Les taux de négativation à la semaine 24 ont été plus élevés chez les patients atteints de MDRH&R-TB (87,1%; 81/93), que chez les patients pré-XDR-TB (77,3 % ; 34/44) et plus faibles chez les patients atteints de XDR-TB (54,1%; 20/37). Sur la base des résultats des tests de sensibilité au médicament du laboratoire central, le niveau de résistance n'a pas été disponible pour 32 sujets au sein de la population mITT. Ces sujets ont été exclus de l'analyse en sous-groupe relative au niveau de résistance de la souche Mycobacterium tuberculosis.
A la semaine 120, une négativation des cultures d'expectorations a été observée chez 148/205 (72,2 %) patients. Les taux de négativation à la semaine 120 ont été plus élevés chez les patients atteints de MDRH&R-TB (73,1 % ; 68/93), que chez les patients pré-XDR-TB (70,5 % ; 31/44) et plus faibles chez les patients atteints de XDR-TB (62,2 % ; 23/37).
Aux semaines 24 et 120, les taux de répondeurs étaient plus élevés chez les patients dont le traitement de fond comportait au moins 3 substances actives (in vitro).
Sur les 163 patients qui étaient répondeurs à la semaine 24, 139 patients (85,3 %) étaient toujours répondeurs à la semaine 120. Vingt-quatre de ces répondeurs à la semaine 24 (14.7%) étaient considérés comme non-répondeurs à la semaine 120, dont 19 patients qui avaient prématurément arrêté l'essai tout en ayant une négativation des cultures et 5 patients qui avaient eu une rechute. Sur les 42 patients qui étaient non-répondeurs à la semaine 24, une négativation des cultures confirmée après la semaine 24 (c'est-à-dire après la fin de l'administration de la bédaquiline mais avec poursuite du traitement de fond) a été observée chez 9 patients (21,4 %) et a été maintenue jusqu'à la semaine 120.
* Mortalité
Dans l'étude randomisée de phase IIb (C208, étape 2), il a été observé un taux de décès plus élevé dans le groupe traité par bédaquiline (12,7 % ; 10/79 patients) que dans le groupe traité par placebo (3,7 % ; 3/81 patients). Un décès dans le groupe bédaquiline et un décès dans le groupe placebo ont été rapportés après la fenêtre de la semaine 120. Dans le groupe bédaquiline, les cinq décès dus à la tuberculose sont survenus chez des patients dont le statut des cultures des expectorations à la dernière visite était "absence de négativation". Les causes de décès chez les autres patients traités par bédaquiline étaient une intoxication alcoolique, une hépatite/cirrhose hépatique, un choc septique/une péritonite, un accident vasculaire cérébral et un accident de la route. Un des dix décès dans le groupe bédaquiline (celui par intoxication alcoolique) est survenu au cours des 24 semaines de traitement. Les neuf autres décès dans le groupe traité par bédaquiline sont survenus après la fin du traitement par bédaquiline (entre 86 et 911 jours après l'arrêt de traitement par bédaquiline ; médiane 344 jours). Le déséquilibre du nombre de décès observé entre les deux groupes de traitement est inexpliqué. Aucun lien évident de causalité entre la survenue des décès et la négativation des cultures des expectorations, une rechute, une modification de la sensibilité aux autres médicaments utilisés pour traiter la tuberculose, une infection par le virus de l'immunodéficience humaine ou la sévérité de la maladie, n'a pu être établi. Pendant l'essai, aucun antécédent d'allongement significatif de l'intervalle QT ou de dysarythmie cliniquement significative n'ont été mis en évidence chez les patients décédés.
Dans l'étude en ouvert de phase IIb (C209), 6,9 % (16/233) patients sont décédés. La cause de décès la plus fréquente, telle que rapportée par l'investigateur, était la tuberculose (9 patients). A l'exception d'un patient, tous ceux qui sont décédés de la tuberculose n'avaient pas obtenu de négativation ou avaient rechuté. Les causes du décès chez les patients restants étaient variées.
* Population pédiatrique
La pharmacocinétique, la sécurité et la tolérance de la bédaquiline en association avec un traitement de fond ont été évaluées dans l'essai C211, un essai de phase II en ouvert, multi-cohortes, à bras unique, mené chez 30 patients présentant une infection TB-MDR confirmée ou probable.
- Patients pédiatriques (âgés de 12 ans à moins de 18 ans)
Quinze patients avaient un âge médian de 16 ans (intervalle : 14 à 17 ans), pesaient de 38 à 75 kg, 80 % étaient de sexe féminin, 53,3 % étaient d'origine ethnique noire et 13,3 % asiatique. Les patients devaient recevoir, pendant au moins 24 semaines, un traitement par bédaquiline 100 mg comprimés administré à la dose de 400 mg une fois par jour pendant les 2 premières semaines, puis 200 mg 3 fois/semaine pendant les 22 semaines suivantes.
Dans le sous-groupe de patients présentant une TB-MDR pulmonaire à culture positive à l'inclusion, le traitement par une association thérapeutique comprenant de la bédaquiline a entraîné une négativation de la culture dans 75,0 % des cas (6/8 patients microbiologiquement évaluables) à la semaine 24.
- Patients pédiatriques (âgés de 5 ans à moins de 12 ans)
Quinze patients avaient un âge médian de 7 ans (intervalle : 5 - 10 ans), pesaient de 14 à 36 kg, et 60 % étaient de sexe féminin, 60 % étaient d'origine éthnique noire, 33 % blanche et 7 % asiatique.
Les patients devaient recevoir, pendant au moins 24 semaines, un traitement par bédaquiline 20 mg comprimés, administré à la dose de 200 mg une fois par jour pendant les 2 premières semaines et 100 mg 3 fois/semaine pendant les 22 semaines suivantes.
Dans le sous-groupe de patients présentant une TB-MDR pulmonaire à culture positive à l'inclusion, le traitement par une association thérapeutique comprenant de la bédaquiline a entraîné une négativation de la culture dans 100 % des cas (3/3 patients microbiologiquement évaluables) à la semaine 24.
L'Agence européenne des médicaments a différé l'obligation de soumettre les résultats d'études réalisées avec la bédaquiline dans un ou plusieurs sous-groupes de la population pédiatrique pour le traitement de la tuberculose multirésistante due à Mycobacterium tuberculosis (voir rubrique "Posologie et mode d'administration" pour les informations concernant l'usage pédiatrique).
Une autorisation de mise sur le marché "conditionnelle" a été délivrée pour ce médicament. Cela signifie que des preuves complémentaires concernant ce médicament sont attendues.
L'Agence européenne des médicaments réévaluera toute nouvelle information sur ce médicament au moins chaque année et, si nécessaire, ce RCP sera mis à jour.