* Mécanisme d'action
Ibrutinib est une petite molécule inhibitrice de la tyrosine kinase de Bruton (BTK). Ibrutinib forme une liaison covalente stable avec un résidu cystéine (Cys-481) au niveau du site actif de la BTK, ce qui entraîne une inhibition prolongée de l'activité enzymatique de celle-ci. La BTK, membre de la famille des Tec kinases, est une molécule des voies de signalisation du récepteur antigénique des cellules B (BCR) et du récepteur des cytokines. La voie du BCR est impliquée dans la pathogénèse de plusieurs hémopathies malignes à cellules B, incluant le LCM, le lymphome diffus à grandes cellules B, le lymphome folliculaire, et la LLC à cellules B. Le rôle essentiel de la BTK dans la signalisation via les récepteurs de surface des cellules B résulte en une activation des voies nécessaires à la circulation, au chimiotactisme et à l'adhésion des cellules B. Les études précliniques ont montré qu'ibrutinib inhibe efficacement la prolifération et la survie in vivo des cellules B malignes, ainsi que la migration cellulaire et l'adhésion au substrat in vitro.
* Etudes cliniques
- Lymphome à cellules du manteau
La tolérance et l'efficacité d'ibrutinib dans le LCM en rechute ou réfractaire ont été évaluées dans une seule étude ouverte, multicentrique, de phase 2 (PCYC-1104-CA) incluant 111 patients. L'âge médian était de 68 ans (intervalle de 40 à 84 ans), le délai médian depuis le diagnostic était de 42 mois, et le nombre médian de traitements antérieurs était de 3 (intervalle allant de 1 à 5 traitements) : 35% ayant reçu précédemment un traitement à haute dose (hyper CVAD ou greffe de cellules souches) A l'inclusion, 39% des sujets avaient une maladie à forte masse tumorale (ganglion > ou = 5 cm), 49 % avaient un score de risque élevé selon le "Simplified MCL International Prognostic Index" (sMIPI), 72 % avaient une maladie à un stade avancé (atteinte extranodale et/ou médullaire) et 15% avaient une histologie blastoïde.
Ibrutinib a été administré par voie orale à la dose de 560 mg une fois par jour jusqu'à progression de la maladie ou intolérance. La réponse tumorale a été évaluée selon les critères révisés du groupe de travail international (IWG) pour les lymphomes non-Hodgkinien (NHL). L'objectif principal de cette étude était le taux de réponse globale. Les réponses à ibrutinib sont décrites ci-dessous.
Taux de réponse globale et durée de la réponse chez les patients avec un lymphome à cellules du manteau (Etude PCYC-1104-CA) - Total (N = 111)
- Taux de réponse globale (%) : 67,6
- IC à 95% (%) : (58,0, 76,1)
. RC (%) : 20,7
. RP (%) : 46,8
- Durée médiane de la réponse (RC+RP) (mois) : 17,5 (15,8, NA)
- Temps médian jusqu'à la réponse initiale, mois (intervalle) : 1,9 (1,4-13,7)
- Temps médian pour obtenir une RC, mois (intervalle) : 5,5 (1,7, 11,5)
IC = intervalle de confiance; RC = réponse complète; RP = réponse partielle; NA = non atteint
Les données d'efficacité ont été par la suite évaluées par un comité de revue indépendant, montrant un taux de réponse globale de 69%, avec un taux de RC de 21% et un taux de RP de 48%. Le comité de revue indépendant a estimé que la durée médiane de la réponse était de 19,6 mois.
La réponse globale à ibrutinib était indépendante des traitements antérieurs, y compris du bortézomib et du lénalidomide, du risque/pronostic sous-jacent, de la masse tumorale de la maladie, du sexe ou de l'âge.
Figure : Analyses en sous-groupe du taux de réponse globale (Cf. RCP)
- Leucémie lymphoïde chronique/Lymphome lymphocytique
La tolérance et l'efficacité d'ibrutinib dans la LLC/LL ont été évaluées dans la seule étude en ouvert, multicentrique (PCYC-1102-CA) incluant 51 patients avec une LLC/LL en rechute et/ou réfractaire ayant reçu une dose de 420 mg une fois par jour. Ibrutinib a été administré jusqu'à progression de la maladie ou intolérance du patient. L'âge médian était de 68 ans (intervalle allant de 37 à 82 ans), le délai médian depuis le diagnostic était de 80 mois, et le nombre médian de traitements antérieurs était de 4 (intervalle allant de 1 à 12 traitements) : 92,2% ayant reçu précédemment un analogue nucléosidique, 98,0% du rituximab, 86,3% un agent alkylant, 39,2% de la bendamustine et 19,6% de l'ofatumumab. A l'inclusion, 39,2 % des patients avaient un Stade IV de Rai, 45,1 % une maladie à forte masse tumorale (ganglion > ou = 5 cm), 35,3 % étaient del 17p-positifs, 31,4 % étaient del 11qpositifs.
La réponse globale a été évaluée selon les critères de "l'International Workshop" pour la LLC. Les réponses à ibrutinib chez les 51 patients en rechute/réfractaires sont décrites ci-dessous.
Meilleure réponse, taux de réponse globale chez les patients avec une leucémie lymphoïde chronique (Etude PCYC-1102-CA) - Rechute/Réfractaire ( 420 mg - N = 51)
- Taux de réponse globale (CR+PR) (IC à 95%)(%) : 78,4 (64,7, 88,7)
- Meilleure réponse
. RC (%) : 3,9
. RP (%) : 74,5
- RP avec lymphocytose (%) : 13,7
- Durée médiane de la réponse (RC+RP) : NA
- Temps médian pour obtenir une réponse initiale, mois (intervalle) : 1,8 (1,4, 12,2)
CI = intervalle de confiance; CR = réponse complète; PR = réponse partielle ;
(1) 92.5% des répondeurs ont été censurés (c.à.d, sans progression et vivants) avec un suivi médian de 16,4 mois. NA = non atteint
La réponse globale à ibrutinib était indépendante des facteurs pronostics connus, dont l'âge, le stade selon la classification de Raï, la masse tumorale de la maladie, le nombre de traitements antérieurs et le profil cytogénétique de mauvais pronostic (del 17p, del 11q).
Figure : Analyse en sous groupe du taux de réponse globale (1) (Cf. RCP) (Etude PCYC-1102-CA; 420 mg)
(1) Les patients avec des caractéristiques non connus n'ont pas été inclus dans les analyses en sous-groupe.
Cette étude incluait également 36 patients atteints d'une LLC avec une délétion 17p (dont 2 avec une maladie naïve de traitement et 34 avec une maladie en rechute/réfractaire). L'âge médian était de 64,5 ans (intervalle allant de 44 à 82 ans). Pour les 34 patients ayant une maladie en rechute/réfractaire, le nombre médian de traitements antérieurs était de 4 (intervalle allant de 1 à 12 traitements) : 94% ayant reçu précédemment un analogue nucléosidique, 100% du rituximab, 91% un agent alkylant, 38% de la bendamustine et 35% de l'ofatumumab.
Le taux de réponse globale pour les 36 patients ayant une délétion 17p traités par ibrutinib était de 61,1% (IC à 95% : 43,5%, 76,9%), et 2 de ces patients (5,6%) ont obtenu une réponse complète. Vingt patients (55,6%) ont obtenu une réponse partielle. En outre, sept patients (19,4%) ont obtenu une réponse partielle avec lymphocytose. La durée médiane de la réponse n'a pas été atteinte pour ces patients. Le délai médian pour obtenir une réponse initiale était de 1,9 mois. Avec un suivi médian de 22,1 mois pour les 36 patients à la fin de l'étude, 18 des 22 patients ayant répondu étaient toujours vivants et sans progression.