Classe pharmacothérapeutique : Produits radiopharmaceutiques thérapeutiques, autres produits radiopharmaceutiques thérapeutiques, produits radiopharmaceutiques divers à usage thérapeutique, Code ATC : V10XX03
* Mécanisme d'action
Le radium dichlorure est un radiopharmaceutique thérapeutique émetteur de particules alpha.
Sa fraction active, le radium-223 (sous forme de dichlorure de radium 223), se comporte comme le calcium et cible sélectivement l'os, et plus spécifiquement les régions touchées par des métastases osseuses, en formant des complexes avec l'hydroxyapatite minérale osseuse. Le transfert d'énergie linéaire des émetteurs alpha (80 keV/micromètre) étant élevé, il engendre une fréquence élevée de cassures double-brin de l'ADN dans les cellules tumorales adjacentes, entraînant un effet cytotoxique puissant. Des effets additionnels sur le microenvironnement tumoral y compris sur les ostéoblastes et les ostéoclastes contribuent également à l'efficacité in vivo. La portée des particules alpha issues du radium-223 est inférieure à 100 micromètres (inférieure au diamètre de 10 cellules), ce qui minimise les dommages des tissus sains environnants.
* Effets pharmacodynamiques
Par comparaison avec le placebo, une différence significative en faveur de ce médicament a été observée pour l'ensemble des cinq marqueurs biologiques sériques du remodelage osseux évalués dans une étude randomisée de phase II (marqueurs de la formation osseuse : phosphatases alcalines osseuses, phosphatases alcalines totales et propeptide N-terminal du collagène du type I [PINP] ; marqueurs de la résorption osseuse : télopeptide C-terminal réticulant du collagène de type I / télopeptide sérique C-terminal réticulé du collagène de type I [S-CTX-I] et télopeptide C-terminal réticulé du collagène de type I [ICTP]).
- Electrophysiologie cardiaque / allongement du QT
Aucun allongement significatif de l'intervalle QTc n'a été observé après l'administration intra-veineuse de ce médicament, par rapport au placebo dans un sous-groupe de 29 patients inclus dans l'étude clinique de phase III (ALSYMPCA).
* Efficacité et sécurité cliniques
La sécurité et l'efficacité clinique du radium dichlorure administré de façon répétée ont été évaluées dans le cadre d'une étude multicentrique de phase III, en double insu, randomisée (ALSYMPCA ; EudraCT 2007-006195-1), menée chez des patients ayant un cancer de la prostate résistant à la castration, avec des métastases osseuses symptomatiques. Les patients présentant des métastases viscérales et une lymphadénopathie maligne de plus de 3 cm ont été exclus.
Le critère principal d'évaluation de l'efficacité était la survie globale. Les principaux critères secondaires comprenaient le délai de survenue d'événements symptomatiques osseux (ESO), le temps jusqu'à la progression des phosphatases alcalines (PAL) totales, le temps jusqu'à la progression de l'antigène prostatique spécifique (PSA), la réponse par rapport aux PAL totales et la normalisation des PAL totales.
À la date de clôture de l'analyse intermédiaire prévue (analyse confirmatoire), 809 patients au total avaient été randomisés (selon le ratio 2:1) en vue de recevoir soit radium dichlorure à 55 kBq/kg par voie intraveineuse toutes les 4 semaines sur 6 cycles (n = 541) associé au traitement standard optimal, soit le placebo correspondant associé au traitement standard optimal (n = 268). Le traitement standard optimal comprenait par exemple de la radiothérapie externe localisée, des bisphosphonates, des corticoïdes, des anti-androgènes, des oestrogènes, de l'estramustine ou du kétoconazole.
Une analyse descriptive actualisée de la sécurité et de la survie globale a été réalisée chez les 921 patients
randomisés avant la phase de cross-over (c-à-d, proposant aux patients qui étaient sous placebo de recevoir
radium dichlorure).
Les données démographiques et les caractéristiques initiales de la maladie (population de l'analyse intermédiaire) étaient similaires entre les groupes radium dichlorure et placebo ; les données du groupe radium dichlorure sont présentées ci-dessous :
- L'âge moyen des patients était de 70 ans (intervalle de 49 à 90 ans).
- 87 % des patients recrutés présentaient un indice de performance ECOG de 0-1.
- 41 % recevaient des bisphosphonates.
- 42 % des patients n'avaient pas reçu de traitement antérieur par docétaxel car ils avaient été jugés inéligibles à ce traitement ou avaient refusé de le recevoir.
- 46 % des patients ne présentaient aucune douleur ou des douleurs de niveau 1 selon la classification de l'OMS (asymptomatique ou légèrement symptomatique) et 54 % présentaient des douleurs de niveau 2-3 selon la classification de l'OMS.
- 16 % des patients présentaient < 6 métastases osseuses, 44 % des patients présentaient entre 6 et 20 métastases osseuses, 40 % des patients présentaient plus de 20 métastases osseuses ou un aspect de superscan.
Pendant la période de traitement, 83 % des patients ont reçu des agonistes de la LH-RH (luteinising hormone-releasing hormone) et 21 % des patients ont reçu un traitement concomitant par anti-androgènes.
Les résultats de l'analyse intermédiaire et de l'analyse actualisée ont montré que la survie globale était significativement plus longue chez les patients traités par radium dichlorure associé au traitement standard optimal par rapport aux patients traités par le placebo associé au traitement standard optimal (voir le données ci-dessous). Un taux plus élevé de décès non liés au cancer de la prostate a été observé dans le groupe placebo (26/451, 4,8 % dans le bras radium dichlorure par rapport à 23/268, 8,6 % dans le bras placebo).
Données de survie issues de l'étude de phase III ALSYMPCA
-> Radium dichlorure
- Analyse intermédiaire (n = 541)
. Nombre (%) de décès : 191 (35,3 %)
. Durée médiane de survie globale en mois (IC à 95 %) : 14,0 (12,1 - 15,8)
. Hazard ratio (b) (IC à 95 %) : 0,695 (0,552 - 0,875)
. Valeur de p (a) (test bilatéral) : 0,00185
- Analyse actualisée( n = 614)
. Nombre (%) de décès : 333 (54,2 %)
. Durée médiane de survie globale en mois : 14,9 (13,9 - 16,1)
(IC à 95 %)
. Hazard ratiob (IC à 95 %) : 0,695 (0,581 - 0,832)
-> Placebo
- Analyse intermédiaire (n = 268)
. Nombre (%) de décès : 123 (45,9 %)
. Durée médiane de survie globale en mois (IC à 95 %) : 11,2 (9,0 - 13,2)
. Hazard ratio (b) (IC à 95 %) : 0,695 (0,552 - 0,875)
. Valeur de p (a) (test bilatéral) : 0,00185
- Analyse actualisée( n = 307)
. Nombre (%) de décès : 195 (63,5 %)
. Durée médiane de survie globale en mois : 11,3 (10,4 - 12,8)
(IC à 95 %)
. Hazard ratiob (IC à 95 %) : 0,695 (0,581 - 0,832)
IC = intervalle de confiance
(a) L'étude de phase 3 ALSYMPCA a été arrêtée pour raison d'efficacité après l'analyse intermédiaire. L'analyse
actualisée étant présentée uniquement à des fins descriptives, la valeur de p n'est pas fournie.
(b) Un Hazard ratio (Radium dichlorure par rapport au placebo) < 1 est en faveur du radium dichlorure.
Figure : Courbes de Kaplan-Meier de la survie globale (analyse actualisée) (Cf. RCP)
Les résultats de l'analyse intermédiaire et de l'analyse actualisée ont également montré une amélioration significative de tous les principaux critères d'évaluation secondaires dans le groupe radium dichlorure par rapport au groupe placebo (Cf. données ci-dessous). Les données sur le délai de survenue concernant la progression des phosphatases alcalines (PAL), ont été confortées par un avantage statistiquement significatif en ce qui concerne la normalisation et la réponse des taux de PAL à la douzième semaine.
Taux d'incidence [nb. (%) de patients]
-> Événement symptomatique osseux (ESO)
- Critère ESO composite (a)
. Radium dichlorure (n = 541) : 132 (24,4%)
. Placebo (n = 268) : 82 (30,6%)
Critères ESO
- Radiothérapie externe pour soulager la douleur
. Radium dichlorure (n = 541) : 122 (22,6%)
. Placebo (n = 268) : 72 (26,9%)
- Compression médullaire
. Radium dichlorure (n = 541) : 17 (3,1%)
. Placebo (n = 268) : 16 (6,0%)
- Intervention chirurgicale
. Radium dichlorure (n = 541) : 9 (1,7%)
. Placebo (n = 268) : 5 (1,9%)
- Fractures osseuses
. Radium dichlorure (n = 541) : 20 (3,7%)
. Placebo (n = 268) : 18 (6,7%)
-> Progression du taux des PAL totales (c)
. Radium dichlorure (n = 541) : 79 (14,6%)
. Placebo (n = 268) : 116 (43,3%)
-> Progression du taux de PSA (d)
. Radium dichlorure (n = 541) : 288 (53,2%)
. Placebo (n = 268) : 141 (52,6%)
Analyse du délai de survenue de l'événement (IC à 95 %) [médiane en mois]
-> Événement symptomatique osseux (ESO)
- Critère ESO composite (a)
. Radium dichlorure (n = 541) : 13,5 (12,2-19,6)
. Placebo (n = 268) : 8,4 (7,2-NE) (b)
Critères ESO
- Radiothérapie externe pour soulager la douleur
. Radium dichlorure (n = 541) : 17,0 (12,9-NE)
. Placebo (n = 268) : 10,8 (7,9-NE)
- Compression médullaire
. Radium dichlorure (n = 541) : NE
. Placebo (n = 268) : NE
- Intervention chirurgicale
. Radium dichlorure (n = 541) : NE
. Placebo (n = 268) : NE
- Fractures osseuses
. Radium dichlorure (n = 541) : NE
. Placebo (n = 268) : NE
-> Progression du taux des PAL totales (c)
. Radium dichlorure (n = 541) : NE
. Placebo (n = 268) : 3,7 (3,5-4,1)
-> Progression du taux de PSA (d)
. Radium dichlorure (n = 541) : 3,6 (3,5-3,7)
. Placebo (n = 268) : 3,4 (3,3-3,5)
Analyse du délai de survenue de l'événement (IC à 95 %) [Hazard ratio]
-> Événement symptomatique osseux (ESO)
- Critère ESO composite (a)
. < 1 en faveur du radium dichlorure : 0,610 (0,461 - 0,807)
Critères ESO
- Radiothérapie externe pour soulager la douleur
. < 1 en faveur de radium dichlorure : 0,649 (0,483 - 0,871)
- Compression médullaire
. < 1 en faveur du radium dichlorure : 0,443 (0,223 - 0,877)
- Intervention chirurgicale
. < 1 en faveur du radium dichlorure : 0,801 (0,267 - 2,398)
- Fractures osseuses
. < 1 en faveur du radium dichlorure : 0,450 (0,236 - 0,856)
-> Progression du taux des PAL totales (c)
. < 1 en faveur du radium dichlorure : 0,162 (0,120 - 0,220)
-> Progression du taux de PSA (d)
. < 1 en faveur du radium dichlorure : 0,671 (0,546 - 0,826)
Analyse du délai de survenue de l'événement (IC à 95 %) [Hazard ratio]
-> Événement symptomatique osseux (ESO)
- Critère ESO composite (a)
. Valeur de p : 0,00046
Critères ESO
- Radiothérapie externe pour soulager la douleur
. Valeur de p : 0,00375
- Compression médullaire
. Valeur de p : 0,01647
- Intervention chirurgicale
. Valeur de p : 0,69041
- Fractures osseuses
. Valeur de p : 0,01255
-> Progression du taux des PAL totales (c)
. Valeur de p : < 0,00001
-> Progression du taux de PSA (d)
. Valeur de p : 0,00015
PAL = phosphatases alcalines ; IC = intervalle de confiance ; NE = non évaluable ; PSA = antigène prostatique spécifique ; ESO = événement symptomatique osseux
(a) Défini par la survenue de l'un des événements suivants : radiothérapie externe pour soulager la douleur, ou fracture pathologique,
ou compression médullaire, ou intervention chirurgicale orthopédique liée à la tumeur.
(b) Non évaluable en raison du nombre insuffisant d'événements au-delà de la médiane.
(c) Définie par une augmentation = 25 % par rapport au niveau initial/nadir.
(d) Définie par une augmentation = 25 % et une augmentation de la valeur absolue de = 2 ng/mL par rapport au niveau initial/nadir.
* Analyse de la survie dans les sous-groupes
L'analyse de la survie dans les sous-groupes a montré un bénéfice cohérent en termes de survie avec ce médicament, indépendamment de l'utilisation de bisphosphonates au début de l'étude et de l'utilisation antérieure de docétaxel.
Aucun bénéfice statistiquement significatif en termes de survie globale n'a pu être démontré dans les sous-groupes de patients ayant moins de 6 métastases (HR radium-223 contre placebo 0,901 ; IC à 95% [0,553 - 1,466], p = 0,674) ou avec un taux initial de phosphatases alcalines (PAL) totales < 220 U/L (HR 0,823 ; IC à 95% [0,633 - 1,068], p = 0,142) dans l'étude de phase III ALSYMPCA. Par conséquent, l'efficacité pourrait être réduite chez les patients avec faible activité ostéoblastique métastatique.
* Qualité de vie
La qualité de vie a été évaluée dans l'étude de phase III ALSYMPCA à l'aide de questionnaires spécifiques : le questionnaire EQ-5D (questionnaire générique) et le questionnaire FACT-P (questionnaire spécifique au cancer de la prostate). Une dégradation de la qualité de vie a été observée dans les deux groupes. Par comparaison avec le placebo, cette dégradation, telle que mesurée par le score d'utilité EQ-5D (-0,040 contre –0,109 ; p = 0,001), et le score de l'échelle visuelle analogique EQ-5D (-2,661 contre –5,860 ; p = 0,018) et le score total FACT-P (-3,880 contre –7,651 ; p = 0,006) a été plus lente dans le groupe traité par ce médicament pendant la période sous traitement.
Néanmoins, la différence observée n'a pas atteint le seuil considéré comme médicalement pertinent tel que décrit dans la littérature. Il y a peu de preuves pour penser que le délai dans la dégradation de la qualité de vie se prolonge au-delà de la période de traitement.
* Soulagement de la douleur
Les résultats de l'étude de phase III ALSYPMCA, sur le délai avant recours à la radiothérapie externe (RTE) pour soulager la douleur et le nombre plus réduit de patients rapportant des douleurs osseuses parmi les événements indésirables dans le groupe de ce médicament, indiquent un effet positif sur les douleurs osseuses.
* Traitement ultérieur par des agents cytotoxiques
Au cours de l'étude ALSYMPCA avec randomisation 2:1, 93 patients (15,5 %) du groupe de ce médicament et 54 patients (17,9%) du groupe placebo ont reçu une chimiothérapie cytotoxique à des délais variables après la fin de leur traitement. Aucune différence n'a été observée entre les deux groupes en ce qui concerne les valeurs des bilans hématologiques.
* Association avec l'abiratérone et la prednisone/prednisolone
L'efficacité et la sécurité cliniques de la mise en place d'un traitement comportant de façon concomitante de ce médicament avec l'acétate d'abiratérone et la prednisone/prednisolone ont été évaluées dans une étude de phase III multicentrique, randomisée, contrôlée contre placebo (essai ERA-223) réalisée chez 806 patients n'ayant jamais reçu de chimiothérapie, atteints d'un cancer de la prostate résistant à la castration, avec métastases osseuses asymptomatiques ou peu symptomatiques. Conformément à la recommandation d'un comité de surveillance indépendant, l'insu a été levé de façon anticipée dans cette étude. Une analyse intermédiaire a montré une augmentation de l'incidence des fractures (28,6% contre 11,4 %) et une réduction de la durée médiane de survie globale (30,7 mois contre 33,3 mois, HR 1,195 ; IC à 95% [0,950 - 1,505], p = 0,13) chez les patients recevant ce médicament en association avec l'acétate d'abiratérone et la prednisone/prednisolone par rapport aux patients recevant le placebo en association avec l'acétate d'abiratérone et la prednisone/prednisolone.
* Population pédiatrique
L'Agence européenne des médicaments a accordé une dérogation à l'obligation de soumettre les résultats d'études réalisées avec ce médicament dans le traitement de toutes les affections appartenant à la catégorie des tumeurs malignes (à l'exception des tumeurs du système nerveux central, des tumeurs hématopoïétiques et des tissus lymphoïdes) et dans le traitement du myélome multiple, dans tous les sous-groupes de la population pédiatrique (Cf. rubrique "Posologie" pour les informations concernant l'usage pédiatrique).